LA PHOTO DU JOUR : depuis 2002, le journal photo d'un photographe

  • avril 2024
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  • Alexandre et Edwige

    « Mes grands-parents, Alexandre et Edwige (96 et 92 ans), vont quitter dans un mois, le logement qu’ils occupent depuis 50 ans, à peu près… Ils vont vers le sud-ouest, dans une « maison » où l’on « s’occupera » d’eux.

    Un jour pluvieux.
    Une pluie moche et mouillée.
    Même l’eau était humide.
    C’était la dernière fois que j’ai vu cette maison, comme ça, comme était, comme elle avait toujours été pour moi.
    Moment inquiétant aussi, mon grand père me donnait tout…
    Ses tableaux, sa voiture, ses crayons, ses pinceaux et ses peintures. Tout ce que je ne prenais pas, irait à la benne. C’est ce qu’il m’avait dit.
    Je ne pouvais tout prendre.
    J’ai pris les larmes aux yeux, comme pour sauver des bouts d’histoires de famille. De lui.
    J’aurai dut en prendre plus, je suis sur que je pouvais, mais je me sentais déjà dans la peau d’un pilleur.
    Comme un testament appliqué trop tot, je suis parti, de l’eau plein les yeux, en colère, mais plus triste encore.
    La voiture, sa voiture, n’était pourtant pas pleine, j’aurait dut en prendre plus encore. Son grenier recelait encore des trésors. Tout etait trésor.
    Je suis parti triste comme un pilleur d’épave. Aucune fierté d’avoir ce patrimoine dans mes mains, que de la tristesse lourde comme ce temps de merde du Nord.
    Mon Papi et ma Mamie, quittent quelques semaines plus tard leur maison de toujours, qui appartenait à la Société des Mines, ou ce qu’il en restait. Maison de coron. De briques rouges, indestructible comme eux.
    Il s’est éteint lentement, loin de chez lui, dans le Sud Ouest.
    J’ai transmis un peu aux filles, la « voiture de Papi Alex » est toujours là, roulante et assez vaillante, c’est la voiture des vacances surtout. Mais ici, on l’aime un peu comme si c’était tous la notre avec son immense toit ouvrant en toile.
    Des tableaux, des crayons, des appareils photos, des livres d’architecture et de peinture, des pelloches…
    Mamie avait mis tous ses bijoux et tous ses parfums en même temps. Elle avait rippé son rouge à levres, mais c’est pas grave.
    Toi t’avais mis ton gilet bleu-de-gris usé de d’habitude.
    T’étais pas vaillant ce jour là.
    Mais souriant quand même.
    Ce fut une journée triste. Importante, essentielle, mais triste.
    Triste, pleine d’eau mouillée comme ce ciel gris de noir comme du charbon. Ici pas d’horizon, juste du gris.
    Juste triste.
    Je pense fort à toi mon Papi, tellement souvent.